Extrait du second chapitre :
Chapitre 2 :
un flux de données
(année 2310)
La démarche dynamique de deux hommes se faisait entendre dans ce long corridor baigné de lumière. Au bout de quelques instants, leur voix vint se surajouter au son de leurs pas :
« A-t-on les données du sol ? demanda Eliot.
- Cela ne saurait tarder. On sait que la mission s’est déroulée comme prévu ! lui répondit Charles.
- C’est à dire, il y a vingt ans…
- Oui, dans la réalité, c’était il y a vingt ans, » répondit le chef de mission. C’était un grand personnage, longiligne, d’allure sportive, avec une coupe de type militaire, laissant paraître une nuque et des oreilles bien dégagées.
Eliot Rubik, son interlocuteur était l’homme le plus riche du monde, ou tout du moins, dans le trio de tête selon les aléas de la bourse… D’aspect plus massif, mais avec des bras qui laissaient imaginer un certain entretien physique, il dégageait un dynamisme et une aura qui lui avaient permis de se hisser à ce niveau international des personnalités qui influencent le monde de manière très concrète. Lui aussi avait une coupe de cheveux « réglementaire » en accord avec sa rigueur dans le travail.
Mais en plus de cette énergie qu’il déployait dès les premières heures de la journée jusqu’au soir, il avait un don de visionnaire. Les multiples entreprises qu’il avait créées, ou achetées, officiaient dans différents domaines clés de la société. Même si ses réalisations, ou achats, pouvaient sembler provenir de lubies au premier abord, avec le recul, une stratégie globale apparaissait. Rien n’était dû au hasard dans sa conduite à long terme. Il agissait comme un joueur d’échecs de haut vol. Du reste, il était le vrai patron de ces lieux, puisque Charles Leclerc travaillait dans l’une de ses sociétés, propriétaire de l’ensemble des bâtiments, ainsi que de tout ce qui se trouvait dedans. Aussi bien matériel que personnel.
Ce matin-là, tous deux marchaient à vive allure dans un long couloir. Ils n’avaient échangé que quelques paroles sur plusieurs dizaines de mètres, car cela ne servait à rien de s’épandre dans des hypothèses de travail. Là où ils se dirigeaient, se trouvaient les données brutes de l’œuvre d’une vie. Des informations en provenance directe du terrain.
À la fin de ce long corridor, deux grandes portes battantes marquaient la limite de cette zone de transit. Ils allaient enfin entrer dans le plus important espace de travail de cette époque, car le peu qui était divulgué aux médias était déversé massivement sur les réseaux sociaux, dont le sien. Encore une autre entreprise sous son contrôle. Toute cette mission était suivie mondialement.
En arrivant face aux portes battantes, le détecteur de présence actionna leur ouverture. En passant le seuil, face à eux se trouvait une véritable ruche d’ingénieurs, chacun concentré sur sa console. Il y en avait au moins une trentaine,
tous spécialistes dans des domaines complémentaires afin de mener à bien cette mission jamais tentée auparavant.
Ces deux nouveaux personnages qui venaient de s’introduire dans la salle, restèrent quelques secondes à contempler cette activité d’ingénierie qui sentait bon le fourmillement de neurones en pleine ébullition. Ces ingénieurs réceptionnaient des informations qui s’affichaient sur des écrans holographiques, et communiquaient les uns avec les autres, soit oralement quand ils étaient voisins, soit par messagerie, soit par un discret casque audio sans fil. L’activité était à son apogée, mais malgré la concentration extrême, l’un des ingénieurs s’avança vers les deux hommes, en lâchant frénétiquement :
« Nous avons un autre flux de données qui arrive ! Et il provient du sol !…
- Parfait ! On va être aux premières loges ! lança Eliot.
- On sait maintenant que l’atterrissage s’est bien déroulé… précisa Charles.
- Oui, il y a vingt ans ! surenchérit l’ingénieur.
- J’ai du mal à réaliser que ces données que l’on reçoit maintenant, on mit toutes ces longues années à traverser l’espace, et témoignent d’un événement qui s’est produit il y a vingt ans. Il faudra attendre encore pour savoir si l’expérience a fonctionné. »